kilonovaLes kilonovas sont des événements astronomiques associés à la fusion d'une étoile à neutron avec un autre astre compact (étoile à neutrons ou trou noir), lors d'une collision. Leurs ejectas contiennent des isotropes lourds riches en neutrons qui les rendent visibles dans l'optique et le quasi-optique en raison du chauffage qu'entraine leur décroissance radioactive. Prédites il y a plusieurs années, la première détection confirmée d'une kilonova s'est produite en 2017, lors de la première observation d'une onde gravitationnelle émise par la fusion de deux étoiles à neutrons. On estime cependant que plusieurs kilonovas ont été déjà observées, liées à des sursauts gamma courts.

Cette étude, que publie Nature, montre comment les kilonovas peuvent fournir une approche, nouvelle et indépendante, de la mesure du taux d'expansion de l'Univers « local », caractérisé par la " constante de Hubble ''. Ce sont les supernovas de type 1a qui ont fourni jusqu'à présent les mesures de ce taux d'expansion. Mais elles se sont trouvées être en désaccord avec les estimations basées sur le fond cosmique micro-onde. L'origine de ce désaccord n'est pas encore claire : est-il dû aux procédures expérimentales elles-mêmes ou à un problème plus fondamental, comme une éventuelle dépendance temporelle du taux d'expansion, car les deux méthodes ne mesurent pas le taux d'expansion au même moment de l'évolution de l'Univers.

Il est maintenant connu par ailleurs que les fusions d'astres compacts émettant les ondes gravitationnelles vues par LIGO et Virgo sont leurs propres « sirènes standards ». Elles peuvent donc servir à mesurer le taux d'expansion, avec l'avantage supplémentaire de ne pas dépendre d'une échelle de distance cosmique ou d'un modèle cosmologique, hormis le cadre de la relativité générale. Il faut cependant que les ondes gravitationnelles fournissent des localisations assez précises pour identifier la source et son décalage vers le rouge. En ce sens, les kilonovas sont intéressantes : la combinaison de la mesure de distance par les ondes gravitationnelles et du décalage vers le rouge de la kilonova par les ondes électromagnétiques, peuvent apporter des contraintes sur la constante de Hubble.

Notre travail va plus loin. En utilisant un échantillon de kilonovas obtenu grâce à la détection d'événements gravitationnels ou de sursauts gamma brefs, nous montrons que leur évolution électromagnétique permet d'en faire des « sirènes standards ». De sorte que les kilonovas peuvent être, elles aussi, utilisées pour mesurer les distances. En effet, nous montrons que le flux lumineux et l'évolution de la couleur permettent de prédire la luminosité intrinsèque de la kilonova. En combinant cette dernière à la luminosité mesurée, on obtient la distance et de là, avec le décalage vers le rouge, la constante de Hubble, H0.  Toutefois; il est nécessaire de passer par un modèle théorique de kilonova..

Nous avons analysé les courbes de lumière rémanante de quatre sursauts gamma courts et celle de la kilonova associée à l'événement gravitationnel GW170817. Puisque notre méthode repose sur des modèles théoriques de structure de kilonovas, nous avons utilisé deux modèles théoriques différents et indépendants de kilonova pour quantifier de possibles effets systématiques. Nous trouvons H0 = 73,8 + 6,3 -5,8 km /s /Mpc et   H0  = 71,2 + 3,2 -3,1 km /s /Mpc . Les deux résultats sont compatibles entre eux et l'incertitude est dominée par la statistique du faible nombre d'échantillons de notre analyse. La collecte d'un plus grand nombre d'afterglows de sursauts gamma courts devrait donc améliorer encore la précision sur la constante de Hubble. Il faut souligner que, sous l'hypothèse que tous ces événements sont bien des kilonovas, cette mesure est déja deux à trois fois plus précise que celle fournie par GW170817 en utilisant les seules ondes gravitationnelles.

 kilonova

La figure en haut montre l'ajustement du calcul de H0 au modèle de Bulla. Les valeurs "Broad Priors" sont obtenues par un choix d'hypothèses couvrant −6 ≤ log10 (Mej/M⊙) ≤ −0,  et t15°  ≤  Φ ≤ 75°, et 0° ≤ θ obs ≤ 90°. Les "Realistic Priors" sont obtenus en sélectionnant les GRB courts, ce qui restreint  l'espace  à −3 ≤ log10 (Mej/M⊙) ≤ −1, et 15° ≤ Φ ≤ 30°, et 0° ≤ θobs ≤ 15°. La figure du bas montre les différences entre valeurs du modèle et ajustements. Les barres d'erreur 1 − σ correspondent au processus de régression gaussienne.

Ces résultats sont en accord avec ceux de Planck CMB et avec les analyses de SHoES (Cepheid-Supernovas). Avec une précision améliorée, ces kilonovas deviendront particulièrement intéressantes, bien qu'elles soient moins brillantes que les superrnovas de type 1a, car elles pourraient contraindre H0  pour des distances non cosmologiques, c'est-à-dire plus proches de nous. Comme la distribution du pic de luminosité des kilonovas joue un rôle capital de notre analyse, les détections les plus précoces seront aussi les plus utiles. 

Article publié dans Nature, le 18 aout 2020 , https://www.nature.com/articles/s41467-020-17998-5

 

Contact : Nelson Christensen